Chambre avec vues d'esprits

Un anglais " chasseur de fantômes " sort un livre sur la France des lieux hantés.


Un gars qui commence son livre et quasiment toutes ces interviews par: " J'ai grandi dans un manoir hanté, perdu au fin fond de la campagne anglaise ", on a forcément envie de le suivre. D'autan qu'il précise que " la vaste bibliothèque regorgait d'ouvrage et de manuscrit divers sur l'occultisme " et que, blottis au coin du feu " crépitant " ils écoutaient des histoires de fantômes ". Pas de bol, le jeune Simon Marsden écope de la seule chambre hanté de la maison... Du coup, dans son introduction à la France hanté(1), celui qui chasse les spectres depuis plus de trente ans, écrit: " Je ne suis pas loin de penser que la quête à laquelle je me suis livré avec mon appareil photographique pourrait bien correspondre à la volonté d'exorciser les peurs de mon enfances ". En résulte un livre tout à fait passionnant, de photos en noir et blanc, inquétantes, entre gravures et clichés du XIXe, effets de brume et de grain, déclinant toutes la gamme des gris. D'où un air de surnaturel, une impression qu'il y a quelque chose, là, une présence, derrière les taches de lumière, dans cette cour déserte de château.
Avouons-le: même le plus cartésien des esprits se laisse séduire par la force de persuasion assez magique qui se dégage de l'ouvrage, à la manière d'un conte de fées où régneraient plutôt de trés méchantes fées. Ces photos ne font que suggérer un autre monde. " Les évenements inexplicables " que Simon Marsden à captés sur la pellicule, il ne les montrera pas, prévien-il, pour ne pas avoir à tenter de trouver leur authenticité et pour éviter les sacasmes.

Coeur à manger. Ca n'est pas du jeu, nous aussi on voudrait bien voir des fantômes, mais il faudra hélas se contenter de les imaginer, en se délectant des histoires abominables narrées par l'auteur, qui navigue sans cesse entre hier et aujourd'hui, entre le réel et l'au-delà... Ces légendes atroces de mari qui donne le coeur de l'amant à manger à l'épouse, laquelle se laisse mourir de faim, pour retrouver son amant trois jours par an dans son cercueil; de vampires qui se baladent dans les sarcophages du cimetière de Mazan, chez Sade; du sourire démoniaque (du spectre) de Catherine de Médicis peignant les cheveux de ca rivale Diane de Poitiers; du type qui a embaumé son père dans de l'alcool pour pouvoir lui parlé jusqu'à la fin de ses (propres) jours; de châteaux cathares abritant les fantômes des persécutés, ect. Chenonceaux, Chastenay (et les scientifiques mânes des alchimistes), Ainey-le-Vieil (et la mélancolie de médusine), le château de Champtocé (et les épouvantables forfaits de Gilles de Rais), un lieu, une légende, une photo, et un ensemble qui fout la trouille.

Coeur à manger. Evidemment, certains tiqueront face à l'évidente fascination de l'auteur pour les templiers, la celtitude, l'aristocratie. D'autres rigolerons de cette intéressante théorie de l'enregistrement consistant à expliquer que les matières - pierre, bois, eau - conservent la puissance des émotions humaines et des scènes tragique. Il suffit d'être un peu réceptif au paranormal, quoi. Simon Marsden a cette chance de sentir les âmes, avec en plus un coté romantique et fleur bleu, sensible aux belles histoires d'amours tragiques qui hantent les châteaux de France et d'ailleurs, et c'est tout à fait ça qu'il nous faut pour passer le jours des morts. Tremblez carcasses, les fantômes sont parmis nous.

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L'abbaye de Mortemer en Normandie
Quatre moines y furent éxécutés pendant la révolution... Leurs ombres vêtues de bure terrifièrent les soldats de la guerre de 14 qui y étaient contonnés. Au XIXe siècle, Roger Saboureau abattit une énorme louve pour revenir à l'aube de jour suivant et découvrir sa femme, baignant dans son sang.


Le château de Veause en Normandie.
La jolie Lucie, servante au XVIIe siècle, y tomba raide dingue du baron et réciproquement. Folle de jalousie, l'épouse fit enfermer la soubrette dans une tour, où elle périt de froid et de faim. Son spectre désolé hante depuis le château, et ses lamentations s'accordent à celles d'une sage-femme accusé à tort d'avoir tué des nourissons pendant la Révolution.


Le château d'Orthez dans les Pyrénées.
Une épouvantable et trés compliqué affaire de famille du XIVe siècle, où le fils, trompé par son oncle, croit donner un elixir d'amour à son père pour qu'il retombe amoureux de sa mère, qu'il vient de répudier. En fait c'est du poison, le père s'en rend compte, torture tout le monde, poignarde son fils. Qui le hante jusqu'à sa mort, et continue de se lamenter dans le château.



(1) La france hanté, voyage d'un chasseur de fantômes, par Simon Marsden. Flammarion, 40 €